Cinéaste engagé et militant de la première heure pour la société inclusive, il a fondé le tout premier syndicat des professionnels du cinéma en situation de handicap. Il a également réalisé un long-métrage documentaire sur ce sujet "Pas de bras, pas de cinéma?", diffusé par Ciné Plus l'année dernière.
1) Comment avez-vous créé le SPCH ?
Les questions de justice, d'équité, d'égalité des chances m'ont toujours mobilisé. Sur un plan personnel, j'ai pris conscience assez tardivement que j'étais atteint d'un handicap, même si j'avais toujours ressenti que j'avais une "différence" ; ce handicap a fortement nuit à ma carrière professionnelle de réalisateur. En effet les producteurs hésitent à confier un projet de film à une personne handicapée, il y a un problème de confiance même si ça n'est pas avoué ouvertement. Je me suis aperçu que les personnes handicapées étaient peu présentes à l'écran et encore plus absentes des équipes techniques et artistiques. C'est ainsi qu'en mai 2019 j'ai décidé, avec quelques amis, de lancer une association professionnelle qu'on peut percevoir comme une sorte de lobby pour défendre les personnes en situation de handicap désireuses de faire du cinéma. Nous sommes allées au festival de Cannes où le collectif féministe 50/50 organisait une conférence sur la diversité, lors de cette réunion en présence du gratin du cinéma français et même si le thème du handicap n'était pas du tout à l'ordre du jour, nous avons pris la parole pour annoncer la création du SPCH et expliciter notre démarche. Nous avons ensuite pris contact avec les organisations professionnelles et les institutions du cinéma, comme le CNC, ainsi qu'avec les politiques, afin de faire de nombreuses propositions. Nous avons aussi décidé de nous exprimer le plus largement possible dans les médias pour sensibiliser le grand public.
2) que proposez vous a vos membres ?
Nos membres sont généralement des personnes concernées directement par le handicap, ils sont comédiens, techniciens, scénaristes ou réalisateurs… La plupart rencontrent des difficultés d'insertion professionnelle dûes à leurs handicaps, visibles ou invisibles. Nous avons aussi des sympathisants qui nous soutiennent mais ne souhaitent pas apparaitre publiquement car ils hésitent à assumer et déclarer leur handicap. C'est un vrai dilemme. Celles et ceux qui militent sont très motivés et déterminés à faire bouger les choses, et d'ailleurs nous y arrivons ! Nous avons convaincu le CNC (Centre National du Cinéma et de l'image animée) de faire un effort sur l'insertion professionnelle, cela a abouti à l'opération Les uns et les autres dont je suis membre du jury, qui subventionne de nombreux projets depuis deux ans. Nous sommes fiers de ces avancées concrètes.
3)Quels sont vos projets pour 2024 ?
En 2024, nous allons continuer à faire le tour des salons et des festivals afin de sensibiliser les professionnels mais aussi le public, à notre cause. Nous allons poursuivre l'organisation de conférences et de tables rondes lors des événements les plus prestigieux et médiatisés comme le Festival international du film de Cannes par exemple, ou encore le festival de la fiction de La Rochelle ou le Mipcom, et bien d'autres encore. Cette année j'ai été membre de plusieurs jurys, comme le Diversify TV Excellence Awards de Cannes, qui travaille sur la représentation du handicap à la télévision. Le SPCH est aussi représenté dans les commissions du CNC, nous participons aux travaux sur l'accessibilité des oeuvres par exemple. Mais notre objectif principal reste l'insertion professionnelle, nous militons à cet égard pour une réforme du statut des intermittents du spectacle : il faut adapter le nombre d'heures exigées pour obtenir le statut aux réalités des travailleurs handicapés, c'est un chantier qui est en train de s'ouvrir impliquant les partenaires sociaux et pour lequel nous pouvons compter sur plusieurs soutiens comme celui du groupe Audiens… Nous voulons travailler aussi avec les entreprises du secteur, les inciter à s'ouvrir davantage à l'accueil de jeunes en situations de handicap. Au passage, nous encourageons la modernisation des studios de tournages, qui jusqu'à présent étaient très peu accessibles. Là aussi ça bouge, des travaux sont entrepris pour que tous ces lieux de travail soient pleinement accessibles et inclusifs. Il y a une vraie prise de conscience, il faut donc en profiter pour avancer sur tous les front, avec pour horizon un cinéma français plus représentatif et qui laisse toute leur place aux professionnels en situation de handicap !
Les actualités du SPCH et les revendications sur le site www.syndicat-spch.fr
Julien RICHARD-THOMSON Président du SPCH
Syndicat des Professionnels du Cinéma en situation de Handicap